Le Pays de Montbéliard → Une terre profondément marquée

Une terre profondément marquée par l’industrie.

Le développement précoce d’un puissant pôle industriel reste aujourd’hui la caractéristique majeure du Pays. Les origines de cet essor sont anciennes. Entre la fin du XVIé s. et le début du XVIIè se développent à Chagey et à Audincourt des fourneaux et des forges qui sont propriété du prince. L’activité textile n’est pas en reste avec les tisserands de Montbéliard et Héricourt qui fabriquent les traditionnels tissus de chanvre , la fameuse « verquelure », puis dès la fin du XVIIIè s. les premières indiennes.

Les origines de cette première poussée industrielle sont multiples : présence de nombreux cours d’eau fournissant l’indispensable énergie hydraulique, couvert forestier très dense apportant le charbon de bois, gisements métallifères nombreux et faciles à exploiter, culte du travail et de l’effort lié à l’éthique protestante, élites bien formées sensibles aux sciences et aux techniques, nécessité de trouver dans un territoire aux sols médiocres des activités complémentaires.

Le rattachement à la France, qui ouvrait aux industries locales un immense marché, permit aux entrepreneurs locaux de donner toute la mesure de leurs ambitions, relayées ensuite par les encouragements du Consulat et de l’Empire. Il n’est pas indifférent de noter que les deux entreprises les plus dynamiques du secteur naissent à cette époque, Japy en 1794 et Peugeot en 1810. La dynamique était lancée ; elle ne s’arrêterait plus.

 

La construction d’un bastion industriel.

Emergente au début du XIXè siècle, l’industrie s’impose par la suite comme dominante, favorisée par le contexte général et l’amélioration des moyens de communications : désenclavement routier, canal du Rhône au Rhin (1825-1834), arrivée du chemin de fer (1858). Désormais le marché s’étendait à la France et à l ‘Europe. L’entreprise Japy, bâtie sur l’activité horlogère, diversifie sa gamme avec la quincaillerie, la lustrerie, les machines à écrire, incarnant en 1914 le dynamisme manufacturier du Pays. En 1930, faute d’une gestion adaptée, confrontée à la crise et à la concurrence internationale, la société est contrainte à de rudes restructurations. Le dernier site de production fermera ses portes en 1980.

De son côté, Peugeot illustre aussi une très belle réussite, davantage ancrée dans la longue durée. En 1851, la société Peugeot frères, fondée par Jules et Emile Peugeot fabrique dans ses usines de Valentigney, Pont-de-Roide et Mandeure des produits métallurgiques variés. Entre 1882 et 1886, avec Armand, fils d’Emile, la société se lance dans la production de cycles à Beaulieu. C’est aussi Armand qui fait le pari audacieux mais visionnaire de l’automobile, créant en 1896 Société des automobiles Peugeot dont l’usine principale se trouve alors à Audincourt. En 1910 naît la Société des automobiles et cycles Peugeot. En 1912 était inaugurée l’usine de Sochaux, devenue rapidement le principal site de l’entreprise. En 1926, les Peugeot emploient 40% de la main-d’œuvre industrielle locale. Deux ans plus tard commence la production en série. En moins d’un siècle, une très grande entreprise, expression de son terroir, était née.

Outre Japy et Peugeot, jusqu’à la seconde guerre mondiale les activités industrielles restèrent relativement diversifiées : textile à Montbéliard et Audincourt, horlogerie longtemps très puissante (46% de l’emploi industriel en 1879), travail du bois, grosse métallurgie à Audincourt. Mais après la seconde guerre mondiale l’essor spectaculaire de Peugeot conduisit peu à peu à une mono-industrie automobile qui fit peu à peu disparaître les autres industries, confrontées par ailleurs à une terrible concurrence étrangère. La demande est frénétique et Peugeot se lance à l’assaut des marchés extérieurs (en 1959, 40% des 200000 véhicules produits sont exportés). Les usines emploient plus de 40000 salariés en 1973. Dès 1979, avec les chocs pétroliers, l’essoufflement du marché, les effets du rachat de deux entreprises en difficultés, Citroën et Chrysler-France, Peugeot connaît de graves problèmes, mais réussit, au prix de mesures drastiques à rétablir la situation et à retrouver un nouvel élan. Aujourd’hui l’usine de Sochaux emploie moins de 12000 salariés, dans un contexte économique difficile. 

 

Une marque profonde

Cet essor industriel précoce imposa au Pays sa marque profonde. La population passa de 50600 habitants en 1851, à 86800 en 1946 et à 139000 en 1975. Cette croissance toucha en priorité les bourgs devenus cités industrielles et fut surtout le résultat de l’immigration d’une main-d’œuvre paysanne locale et étrangère de plus en plus nombreuse jusqu’au début des années 1980 (20% de la main-d’œuvre de Peugeot en 1975), venue d’Europe centrale et méditerranéenne, du Maghreb, des Balkans et de Turquie.

L’afflux massif de population conduisit à une urbanisation accélérée. Les besoins de logement amènent le patronat à favoriser l’habitat ouvrier dans le cadre d’un paternalisme bien compris et efficace. Après 1945, l’extraordinaire essor industriel entraine de profondes mutations dans le paysage. Entre 1955 et 1978, de grands ensembles sortent partout de terre pour loger d’urgence une population en pleine expansion : 16000 logements sont construits sur le territoire. Parallèlement, se multiplient les quartiers pavillonnaires intéressant d’abord les cadres, puis très vite les ouvriers. Le paysage, qui était resté longtemps marqué par l’activité agricole, devient urbain, illustrant parfaitement les mutations de la France contemporaine. Dans un contexte  économique difficile, le Pays garde des capacités d’adaptation et de réaction considérables ; il est capable d’imagination et d’innovation, comme il l’a souvent montré dans le passé.

 

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